Vous trouverez aussi ce texte chez Maline
Jour mauve
Je marchais depuis longtemps dans le sable lourd.
Le ciel chargé virait démesurément au mauve.
Des voiles battaient le vent. Doux et impétueux à la fois.
L’air était mordant. Comme seul le rivage marin en détient les secrets.
J’aurais pu rester une éternité plombée dans les va-et-vient de la mer. Prisonnière de ce pays plus glacial encore qu’à l’ordinaire, et, paradoxalement, j’étais plus libre que jamais, sans savoir le gouffre qui allait m’avaler…
Entre le ciel et la mer…
Ce jour mauve.
Comme moi.
Comme lui…
Il s’est imposé cette journée là, incontournable. Mêlée de regards qui me déshabillait.
J’aurais voulu déposer des brassées de fleurs aux fenêtres de ses yeux morts. Conduite irrésistible. Je me suis hissée sur ce traître sentier qui donnait l’accès au trésor. Il était en dehors du temps. En dehors de tout. D’un frémissement de paupière, il avait déballé toute la tendresse du fond de son cœur trouble et nébuleux. Son murmure était musique, et avait fait naître des ailes sur mon corps de chenille.
J’aurais voulu hurler de désir. Et malgré tout, en moi, un silence se faisait, imposant, monumental. Ses yeux étaient suaves comme des collines dans la pénombre, et ils révélaient tous les frissons humides de l’air breton dans lequel ils avaient poussé.
(suite…)